Les Amis des Mées
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Les Leçons du 1er Janvier

Décembre allait céder les armes à Janvier.
Auprès d'un grand feu clair, je fredonnais à l'aise,
Heureux de ce bonheur qu'une bise mauvaise
Qui glace nos carreaux, met à notre foyer.

Dans un rêve éveillé – ces rêves qu'on arrange,
Où l'on mêle, à son gré, l'enfer avec les Cieux –
J'attendais que minuit sonnât, minuit étrange,
Qui fait toujours d'un an notre siècle plus vieux.

Sur le cadran d'émail : je voyais (doigt magique)
L'aiguille inexorable escompter le terrain
Que la mort ou le temps, comme on veut – mais bon train
Gagne sur nous, mortels, en sa course tragique ,

Cependant qu'un tic tac, au refrain ennuyeux,
Me semblait le galop du palefroi farouche
Que le temps précipite, et que la mort enfourche
Pour arriver plus vite et nous surprendre mieux.

Soudain, cinglant la nuit, troublant le grand silence,
Douze coups, douze glas des douze mois passés,
Retentirent. Janvier tout rajeuni s'élance,
Comme un lis d'une tombe, au champ des trépassés.

Or, ce minuit me dit des millions de choses.
Son ombre eut des clartés, pour la première fois,
Que pour moi n'eut jamais, aube, tes rayons roses,
Et je compris ma vie au timbre de sa voix.

Elle disait : « Le temps, grands enfants, vous emporte,
Ainsi que l'ouragan fait de la feuille morte ;
Ainsi qu'un noir torrent, traître, et qu'on n'entend pas,
Roule, toujours plus loin, d'abîmes en abîmes.

Et les frêles roseaux et les chênes sublimes,
Sans s'arrêter jamais, sans être jamais las. »
Elle disait : « Mortel, ta vie est un mirage ;
Un éclair sur l'abîme où tu te vois tomber,

Un pied tremblant levé pour un autre rivage,
Un fardeau sous lequel ton front doit se courber.
Le présent n'est jamais ! toujours insaisissable,
Il est déjà passé quand tu crois le saisir.

Que te reste-t-il donc pour vivre ?… L'avenir !
De l'algèbre divine inconnue, insondable !! »
Elle disait : « Regarde et remonte ta vie.
Ne te semble-t-il pas toucher à ton berceau