CHAPITRE 4
L'ÉVEIL DE PARIS (2 DÉCEMBRE)
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Le mouvement qu'avaient produit toutes ces mesures, l'apparition des soldats réveillèrent Paris un peu plus tôt. La grande nouvelle circula bientôt de tous côtés; la population matinale de la grande ville la publia en allant à ses affaires. Bientôt les rues se remplirent d'une foule qui n'était qu'à moitié étonnée, car depuis plusieurs jours elle s'attendait à toutes les surprises. On se pressa autour des affiches qui tranchaient la question depuis si longtemps agitée. On lisait avec avidité le décret suivant :
A côté de ce décret était placardée une proclamation dont le ferme langage saisissait et frappait les imaginations : «Français! La situation actuelle ne peut durer plus longtemps. Chaque jour qui s'écoule aggrave les dangers du pays. L'Assemblée, qui devait être le plus ferme appui de l'ordre, est devenue un foyer de complots. Le patriotisme de trois cents de ses membres n'a pu arrêter ses fatales tendances. Au lieu de faire des lois dans l'intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile; elle attente au pouvoir que je tiens directement du peuple; elle encourage toutes les mauvaises passions, elle compromet le repos de la France : je l'ai dissoute, et je rends le peuple entier juge entre elle et moi. La Constitution, vous le savez, avait été faite dans le but d'affaiblir d'avance le pouvoir que vous alliez me confier. Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle, et cependant je l'ai fidèlement observée. Les provocations, les calomnies, les outrages, m'ont trouvé impassible. Mais aujourd'hui que le pacte fondamental n'est plus respecté de ceux-là mêmes qui l'invoquent sans cesse, et que les hommes qui ont déjà perdu deux monarchies veulent me lier les mains, afin de renverser la République, mon devoir est de déjouer leurs perfides projets, de maintenir la République et de sauver le pays en invoquant le jugement solennel d'un seul souverain que je reconnaisse en France; le peuple. Je fais un loyal appel à la nation tout entière, et je vous dis: si vous voulez continuer cet état de malaise qui nous dégrade et compromet notre avenir, choisissez un autre à ma place, car je ne veux plus d'un pouvoir qui est impuissant à faire le bien, me rend responsable d'actes que je ne puis empêcher, et m'enchaîne au gouvernail quand je vois le vaisseau courir vers l'abîme. Si, au contraire, vous avez encore confiance en moi, donnez-moi les moyens d'accomplir la grande mission que je tiens de vous. Cette mission consiste à fermer l'ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du peuple et en le protégeant contre les passions subversives. Elle consiste surtout à créer des institutions qui survivent aux hommes et qui soient enfin des fondations sur lesquelles on puisse asseoir quelque chose de durable. Persuadé que l'instabilité du pouvoir et la prépondérance d'une seule Assemblée sont des causes permanentes de trouble et de discorde, je soumets à vos suffrages les bases fondamentales suivantes d'une constitution que les assemblées développeront plus tard : 1° Un chef responsable nommé pour dix ans; 2° Des ministres dépendants du pouvoir exécutif seul; 3° Un conseil d'Etat formé des hommes les plus distingués préparant les lois, et en soutenant la discussion devant le Corps législatif; 4° Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse l'élection; 5° Une seconde Assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pouvoir fondamental et des libertés publiques. Ce système, créé par le Premier Consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité; il les lui garantirait encore. Telle est ma conviction profonde. Si vous la partagez, déclarez-le par vos suffrages. Si, au contraire, vous préférez un gouvernement sans force, monarchique ou républicain, emprunté à je ne sais quel passé ou à quel avenir chimérique, répondez négativement. Ainsi donc pour la première fois depuis 1804, vous voterez en connaissance de cause, en sachant bien pour qui et pour quoi. Si je n'obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provoquerai la réunion d'une nouvelle assemblée, et je lui remettrai le mandat que j'ai reçu de vous. Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c'est-à-dire la France régénérée par la révolution de 89 et organisée par l'Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je demande. Alors la France et l'Europe seront préservées de l'anarchie, les obstacles s'aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l'arrêt du peuple, le décret de la Providence.» A l'armée le Président disait : «Soldats, soyez fiers de votre mission, vous sauverez la patrie, car je compte sur vous, non pour violer les lois, mais pour faire respecter la première loi du pays, la souveraineté nationale, dont je suis le légitime représentant. Depuis longtemps, vous souffriez comme moi des obstacles qui s'opposaient, et au bien que je voulais vous faire, et aux démonstrations de votre sympathie en ma faveur. Ces obstacles sont brisés. L'Assemblée a essayé d'attenter à l'autorité que je tiens de la nation; elle a cessé d'exister.» «... En 1830 comme en 1848, on vous a traités en vaincus. Après avoir flétri votre désintéressement héroïque, on a dédaigné de consulter vos sympathies et vos vux, et cependant vous êtes l'élite de la nation. Aujourd'hui en ce moment solennel je veux que l'armée fasse entendre sa voix. Votez donc comme citoyens...» «Soldats, je ne vous parle pas des souvenirs que mon nom rappelle. Ils sont gravés dans vos curs. Nous sommes unis par des liens indissolubles. Il y a entre nous, dans le passé, communauté de gloire et de malheurs; il y aura dans l'avenir communauté de sentiments et de résolutions pour le repos et la grandeur de la France.»
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