Les Amis des Mées
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Les Souvenirs d'un séjour aux Mées

Poème de Jean Poggionovo - juillet/août 1957


Un matin de juillet remontant la Durance
Je pénétrais au cœur de la Haute Provence,
Longeant cette vallée où coule impétueux ;
Cet affluent du Rhône instable et capricieux.
Je respirais, des monts qui bordent les deux rives,
L'air pur et léger, les senteurs fugitives,
Que transportait le vent : parfum de lavandin,
Fleuri sur les hauteurs, de lavande et de thym ;
Tous les arômes subtils que la terre distille.
Sous l'ardeur du soleil qui réchauffe et qui brille.
Dans ce cadre des monts, des pics enchevêtrés,
Le fleuve coule rapide et ses flots courroucés
Débordant de leur lit laissant sur les rivages,
Des terrains dénudés par d'incessants ravages.
Cependant, des travaux attestent que, demain,
L'homme saura mettre à ces fureurs, un frein.
Par son génie, alors, la nature asservie,
Ne saura nous offrir qu'un spectacle de vie.
Manosque, La Brillanne et, voici Oraison.
La plaine s'élargit, plus vaste est l'horizon.
Des champs de blé dorés s'étalent dans la plaine
A coté des vergers, dont la région est pleine.
Sur les flancs des coteaux, comme des miradors,
Des villages nombreux animent ces décors.
Et, c'est ainsi, distrait, allant à vive allure
Que je vis des rochers, surgir de la verdure.
Ce fût alors l'arrêt tout près d'un vieux clocher
Dominant le pays. On vint pour nous chercher.
Le soleil flamboyait sur la place des Mées,
Au retour des beaux jours, riantes et animées.

De ce pays, pour moi, jusqu'alors inconnu,
Je subis, aussitôt, un attrait soutenu.
Des grands rochers d'abord dégarnis de verdure,
Dominant le pays de leur haute stature
Dès qu'on les aperçoit, frappant l'attention.
On croit voir défiler une procession.
Suivant le temps, le ciel, ils sont clairs ou sombres
Dorés par le soleil, ou noircis par les ombres.
Et, le soir, bien des fois, c'est une apothéose
De toutes les couleurs que le couchant compose.
Ces rochers s'appellent, ici, les « pénitents ».
De ces blocs de pierre ouvragés par le temps,
L'imagination de l'âme populaire
En a fait des humains, des êtres imaginaires,
Des moines pénitents durement châtiés
« De tous ces repentis, Seigneurs ayez pitié ! »
Acceptons la légende, elle est belle je pense.
Tout grand pêché mérite, amende et pénitence.
Mais ne voyons plutôt qu'avec humilité
Ces étranges témoins, symbole d'éternité,
Dont les flancs dénudés et l'inerte ossature
Du temps ont pu défier l'atteinte et la morsure.
Et pensons et pensons à la vie, à la nôtre en ces lieux.
Levons comme eux notre front vers les cieux
Implorant le Seigneur dont l'amour est immense
L'appui de son secours, sa divine indulgence.
Dans le recueillement, de ce très haut lieu
Elevons la pensée et notre âme vers Dieu.

O bons et chers amis ! Je voudrais des journées
Qu'ensemble heureusement, avons, ici, passées,
Rappeler le plaisir, le calme et la douceur
Qui comblèrent notre esprit autant que notre cœur !
Après avoir goûté l'intense poésie
De ce lointain passé, dans notre âme ravie,
Ensemble, reprenons cet antique chemin
Qui va nous ramener, auprès du vieux moulin,
Aujourd'hui silencieux où l'eau seule chantonne
Sans arrêt, de sa voix plaintive et monotone.
Gardons de cet endroit l'agréable fraîcheur,
Où, jamais du soleil on n'éprouve l'ardeur.
La douce impression de paix et de silence,
Au pied de ces rochers dominant la Durance.
Cet endroit du pays a connu des plaisirs
Et garde des secrets et de chers souvenirs.
A côté du moulin, c'est la magnanerie
Qui fut, pendant longtemps, et le ventre et la vie
De la laborieuse et paisible cité -
Là, toute la jeunesse avide de gaîté,
Se grisant de chansons et d'insouciance ivre,
Connut avec l'amour, tout le bonheur de vivre -
Mais le progrès constant que le monde subit
Transforme toute chose, les plaisirs et l'esprit.
De la vieille cité, de ses maisons groupées
Au pied des pénitents, intimement serrées
Comme un troupeau guidé par le berger
Qui semble être, ici, l'historique clocher.
Nous retiendrons l'attrait de ces foyers paisibles,
De leur intimité d'un charme si sensible,
Car, nous avons trouvé partout l'accueil charmant
Qui fut pour notre cœur un baume bienfaisant.
Lorsque vous penserez aux jours passés aux Mées
A ces jours de repos aux heures parfumées
Par le parfums exquis de la bonne amitié ;
Le cœur reconnaissant et revivifié
Par l'air lénifiant, qui mieux qu'un fin breuvage,
Vous donna la santé perdue et le courage.
Vous n'oublierez pas les vertes frondaisons
Qui parent ces lieux, ombragent les maisons ;
Les sentiers qu'on suivait à travers la campagne,
Et la belle forêt qui drape la montagne ;
Les massifs lointains dont les pics orgueilleux
Semblent, surtout le soir, s'enfoncer dans les cieux.
Et vous vous souviendrez, de ces fruits délectables,
Que très abondamment, on servait sur les tables.
Tous ces bons souvenirs meubleront notre esprit
Qui restera longtemps aimablement épris
De ce paisible lieu, enrichi de verdure,
Où, l'on vécut heureux au sein de la nature.
Merci, bien chers Méens, et sans doute au revoir !


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