1843 - UNE MISE EN GARDE

Cette lettre émane de l'un des Ingénieurs constructeur composant la première équipe technique.

"Messieurs les Syndics de la Société du Pont des MÉES

J'ai examiné avec attention les travaux que vous avez fait faire au pont depuis que ce travail n'est plus sous ma direction ; les vices de construction et de pose que j'ai remarqués m'ont donné la conviction qu'il ne résistera pas à l'épreuve.

Ma réputation comme Ingénieur et constructeur pouvant être compromise par suite de fautes qui me sont étrangères, je viens en conséquence vous faire mes offres de service pour empêcher ce malheur; j'en ai les moyens, mais pour les employer, il faut connaître ce genre de constructeur, une exacte surveillance et beaucoup de soins et vous n'avez personne capable de les exécuter et d'ailleurs, je ne m'en rapporterai qu'à moi; j'ai donc consigné ces vices de construction et de pose qui peuvent entraîner la chute du pont et les moyens d'éviter cette catastrophe, dans un paquet cacheté, lequel ne doit être ouvert qu'après l'épreuve du pont. J'y ait joint copie de la présente et je l'ai remis à M. DENOIZE, Notaire aux MÉES.

Malgré le peu d'effort que j'ai de voir mes offres accueillies, elles méritent cependant toute votre attention : une grande esponsabilité pèse maintenant sur vous ! Des travaux mal dirigés et presque sans surveillance, d'autres mal compris, d'autres enfin inutiles et avec cela une grande lenteur d'exécution vont dévorer avant l'achèvement du pont les 148. 000 F qu'il devait coûter à la Société.

Il est temps encore MM., vous pouvez mettre votre responsabilité à couvert, éviter une dépense considérable et usant de votre prérogative permettre au constructeur qui a travaillé consciencieusement d'achever son oeuvre: la Société croyez-le bien applaudira à cette mesure de haute équité et de bonne administration.

Je termine en déclarant que par la présente je n'ai entendu renoncer à aucun des droits que me donnent mes titres et les arrêtés que j'ai obtenus.

J'ai l'honneur ....."