Les Amis des Mées
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FRANÇOIS BARBARIN

LE DERNIER INSURGÉ

François BARBARIN est présent aux Mées lors de l'inauguration du monument le 4 septembre 1913, il a 83 ans, c'est le dernier insurgé condamné encore vivant, il reçoit ce jour là la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur. Il habite à la Javie où il est conseiller municipal.

En 1851, lors de l'insurrection, François BARBARIN, a 20 ans. Sur le registre des condamnations il est inscrit sous le numéro 1185, étant cordonnier domicilié à Valensole, «affilié».

Son motif de condamnation est «S'est rendu à Digne comme tambour. Etait aux Mées lors de l'engagement. Exaltation extrême - Mauvais propos».

Pour cela il est condamné à la déportation en Algérie.
(Archives Départementales des A H.P. - 2 U 91.)

Voici le récit qu'il fait de sa participation à l'insurrection.



Réservation de François Barbarin pour le banquet des Mées.
«Né à Digne le 2 novembre 1831, je suis devenu orphelin de père et de mère en 1847. Dénué de ressources et n'ayant plus à Digne aucun parent pouvant me venir en aide, je résolus d'aller à Paris où se trouvait un de mes oncles. J'ai quitté Digne le 20 mai 1847 et je suis arrivé à Paris le 8 juin après 19 jours de marche. Emporté par un tempérament fougueux je nie suis trouvé mêlé à la Révolution du 24 févrierl848. J'étais à la prise du Panthéon le 24 juin et je fus blessé à la jambe droite par une balle ainsi qu'en fait foi mon livret militaire joint au dossier. La Révolution terminée, nous fûmes chargés de garnison. Partis de Paris le 19 février 1849 nous arrivâmes à Saint-Brieuc (Côtes du Nord) où nous ne restâmes que peu de temps, car le 12 juin un nouveau changement de garnison nous transporta à Rennes où nous fûmes rayés des contrôles le 13 juillet 1849 après licenciement de la Garde Nationale.

Rentré dans mes foyers, j'allais résider à Valensole (Basses-Alpes). En 1851, étant à Valensole, je me fis inscrire à la Société « La Montagne ». Cette société dont le siège était à Lyon avait été créée dans le but de maintenir la République proclamée le 24 février 1848. Le Coup d'Etat du 2 décembre 1851 ayant été accompli, l'ordre nous fût donné de protester par tous les moyens en vertu de l'article ainsi conçu «En cas de violation de la Constitution tout bon citoyen a le devoir de prendre les armes pour la défendre.»

Ayant été vaincus, avec un grand nombre de camarades, je fus fait prisonnier le 20 décembre 1851 et incarcéré à Digne dans un local du Grand Séminaire où nous couchions sur le carreau par une température de 20° au dessous de zéro. Dans cette circonstance, j'eus les pieds gelés à tel point qu'ils ne formaient plus qu'une plaie. Partis de Digne le 2 mai 1852 nous avons été conduits à Toulon sous bonne escorte, enchaînés les uns aux autres par les mains et le cou non point comme des condamnés de droit commun, mais comme on enchaînait autrefois les bandits peuplant les divers bagnes.

Après avoir passé 12 jours au Fort de Lamalgue, nous avons été transférés sur les pontons où nous avons couché pendant 45 jours dans l'eau. Avant le départ pour l'Algérie, nous fûmes contraints de prêter le serment de fidélité à Napoléon. Quelques camarades, âgés, ou laissant chez eux une famille sans ressources avaient, afin de bénéficier d'une grâce, prêté le serment exigé. En ce qui me concerne, comme je n'avais plus de famille et n'ayant aucun intérêt (j'avais alors 20 ans et quelques mois) je refusais de prêter ce serment dans des termes si violents que je fus immédiatement enfermé À fond de cale avec quelques autres mutins. Déportés en Algérie nous avons été occupés au défrichement et à la construction de routes.

Gracié le 12 mars 1853, j'ai été renvoyé en France le 18 mars. Tenu à l'index pendant toute la durée de l'Empire, j'ai été maintes fois en butte aux persécutions des agents de l'autorité pour des délits insignifiants dont ci-après un exemple. Me promenant un jour, peu de temps après mon retour à Digne, sur le champ de foire, coiffé d'un chéchia, je fus rencontré par deux gendarmes et conduit à la préfecture, M. de BOUVILLE, préfet de l'époque, après m'avoir menacé de me faire retourner en Algérie si je persistais à porter cette coiffure considérée comme séditieuse, me l'enleva d'un geste brusque et après l'avoir donné aux gendarmes me renvoya nu-tête. Pour rentrer chez moi, je me fis prêter un chapeau par le concierge de la préfecture qui était un de mes amis.

Rappelé sous les drapeaux en 1854, au moment de la guerre de Crimée, j'ai été réformé pour blessures et infirmités contractées au service. »

(Archives départementales des A.H.P. – 1 M 212).


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