Les Amis des Mées
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D'UNE TUILIÈRE À L'AUTRE

Les communautés de l'ancien régime avaient le souci, dans la mesure du possible, de procurer à leurs administres tous les produits de première utilité. Ainsi la communauté des Mées mettait en réserve dans les greniers du blé afin d'en distribuer au plus juste prix. Elle possédait deux moulins à farine, un moulin à huile, la boucherie (abattoir), des fours à pains, qu'elle donnait en fermage. Elle rétribuait "le régent des écoles" pour l'instruction des jeunes garçons, le distributeur du courrier de la poste aux lettres, des gardes vignes (pendant la saison des raisins), des "aygadiers" charges de repartir les eaux d'arrosage... et possédait aussi les deux tuilières: celle de Notre-Dame sur les bords de la Bléone et celle de Dabisse (vers Ragony) qu'elle remettait en fermage.


Patente de Louis BERTON à Ragony
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Vers 1780 ces deux tuilières fonctionnent encore, mais arrivent à épuisement: épuisement de l'argile et du bois de proximité. Comme il faut aller chercher l'argile et le bois plus loin, la rentabilité diminue. En 1781, la communauté fait effectuer quelques réparations aux bâtiments de la tuilière de Notre-Dame, ce qui nécessite 800 tuiles fabriquées à Dabisse.   (Délibération du Conseil Municipal des Mées du 13 mai 1781).

Les installations de la tuilière de Notre-Dame sont insuffisantes, la communauté décide en 1783 de demander un devis pour construire une "halle" pour le séchage des tuiles. "Le bâtiment de la tuilière devers Bléone appartenant à la communauté, étant extrêmement étroit, le tuilier n'a pas assez de place pour pouvoir mettre à l'abri des injures du temps et de la pluie les tuiles et briques qu'il est obligé de préparer avant que de les faire cuire au four au moyen de quoi il gâte souvent une partie de la matière qu'il prépare, de manière qu'il ne peut suffire aux besoins des habitants, ne pouvant travailler que dans la belle saison, ce qu'il pourrait faire néanmoins en tout temps si la communauté faisait construire au derrière du dit bâtiment une halle, ce serait d'une grande utilité pour le service publie. "   (D.C.M.M 23 novembre 1783).

Pendant ce temps, la tuilière de Dabisse s'arrête de fonctionner. "La cessation de la fabrication des tuiles à la tuilière du Plan les rend si rares et en occasionne une si grande disette qu'ils (les conseillers municipaux) reçoivent journellement des plaintes sur cet objet de la part des citoyens. ( .. ) Plusieurs personnes se sont présentées dans l'intention de venir remplir la place de la tuilière du Plan, vacante depuis plusieurs années, mais aucun d'eux n'a voulu traiter avec la communauté, et tous ont été dégoûtés par l'éloignement des bois de la communauté, en sorte qu'il parait bien difficile de faire reprendre la fabrication des tuiles à la dite tuilière. "   (D.C.M.M. 10 août 1788).

Confrontée à tous ces problèmes, la communauté, en 1788 propose d'installer une nouvelle tuilière a Saint-Joseph, mais avant toute démarche, elle demande au tuilier qui est à Notre-Dame de "fabriquer quelques tuiles de la terre prise dans quelques propriétés ainsi que dans les atterrissements appartenant à la communauté qui se trouvent au bord de la Durance dans le quartier Saint-Joseph. "   (D.C.M.M. 8 décembre 1788)   pour voir si l'argile est de bonne qualité. Les résultats sont probants, la communauté cherche un tuilier pour l'installer a Saint-Joseph, construire le four et les bâtiments. "Le nommé Antoine DURAND du lieu de Ribiers en Dauphiné, serait prêt à faire des tuiles à 40 sous le cent et des malons à 30 sous le cent (..). Il promet et s'oblige de commencer la fabrication des tuiles et briques à partir du 24 juin prochain (..). Le four devra être construit en briques qui sera de la contenance de 3000 tuiles et 1200 briques. "   D.C.M.M. 22 mars 1789)

Le tuilier vient alors prendre possession de son travail. "Antoine DURAND s'est obligé de venir occuper la nouvelle tuilière que la communauté a résolu d'établir au quartier de Saint-Joseph, de fabriquer et de fournir à chaque particulier la quantité de tuiles et briques ainsi qu'il avait promis à la communauté", trouve son logement non terminé, il est alors logé chez un particulier.   (D.C.M.M. 29 novembre 1789). Le conseil municipal se réjouit le 6 janvier 1790 de ce que les bâtiments de la tuilière soient réalisés et que le tuilier peut travailler.

Les tuilières de Notre-Dame et de Dabisse ne fonctionnent pratiquement plus. "La tuilerie au quartier du Plan de Dabisse, n'est plus, depuis quelques années d'aucun usage pour les habitants, soit parce que le four est hors de service, soit parce qu'il était impossible que les cuites vinssent à bien, attendu les eaux qui y transpirent. "   (D.C.M.M. 15 août 1790). De plus la communauté a pris des engagements auprès du tuilier de Saint-Joseph, et ne voulant pas qu'il y ait une éventuelle surproduction locale de tuiles, décide de vendre les deux anciennes tuilières.

La commune en faisant construire la nouvelle tuilière, s'étant chargée de prendre pour son compte l'excédent des tuiles et briques que le tuilier ne pourrait pas vendre, elle se verrait très souvent obligée, en laissant subsister les deux autres, d'en faire un magasin inutile, et, par conséquent onéreux.   (D.C.M.M. 15 août 1790). Elle est autorisée à vendre les deux tuilières le 13 novembre 1790.

Pourtant des briques seront encore faites à Ragony, peut-être pas tout à fait au même endroit, un siècle plus tard. Louis BERTHON en 1898-1901, entr'autres années, paie sa patente de fabricant de briques, et Emile BERTHON, son petit fils se rappelle encore bien aujourd'hui, des moules à faire les briques, l'emplacement du four... tout près de sa maison de Ragony.

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