Les Amis des Mées
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Ils ont rallumé le four...

Ce qu'ils ont rallumé, c'est le four banal, le four commun. Il est sur la placette du village. Et je me disais : comment le décrire, comment faire comprendre la façon dont est bâti ce four commun. Dans ce petit hameau perdu, je sais, je vois bien. Je sais qu'il a été construit il y a longtemps dans des temps de grande simplicité, où l'on ne cherchait pas. Je vois bien. Il est exactement comme un temple grec. Mais si je dis ça, ça va faire tromper tout le monde. Car il y aura ceux qui diront: ça n'est pas possible, c'est trop beau, il l'invente (et vraiment non, ça n'est pas le moment d'inventer). Et puis, il y aura ceux qui me croiront mais qui se tromperont quand même car on leur a trop parlé de temples grecs, ils ont autour de ce mot-là cent images toutes prêtes, toutes fausses (fausses en tout cas pour ce four, fausses peut-être pour les vrais temples). Et ils croiront peut-être aussi que je veux dire que ça date des Grecs (ah! ce mot-là est terrible).
Alors que non, c'est à la fois bien plus récent et bien plus ancien : c'est une construction paysanne.

C'est une construction sauvage, âpre et exacte. Pour son utilité, elle n'a pas une pierre de trop. Elle est entièrement d'accord avec le pays et avec tous les temps que le ciel peut faire. Elle a été orientée. Destinée à faire un travail dont dépend la nourriture et la vie. Orientée pour deux raisons : d'abord, pour que la cheminée tire bien sans que jamais la fumée puisse « regonfler » dans le four.

L'autre raison d'orientation étant qu'il faut protéger du froid ceux qui enfournent. Car il ne faut pas croire qu'on va entrer quelque part pour faire du pain. Non. Cette construction c'est un four.

Jean Giono
Les vrais richesses (p. 51)


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