Les Amis des Mées
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On joue à l'auberge

Nous sommes au mois d'octobre 1790, en pleine période révolutionnaire, et dans notre bonne ville des Mées, comme partout ailleurs, on aime mieux, pour la tranquillité publique, le soir, savoir les gens couchés dans leur lit plutôt que de les voir traînant dans les rues, les auberges, où ils risquent de se laisser gagner par la passion du jeu et perdre alors le peu de sous qu'ils ont, négligeant ainsi leur famille.
A cet effet, plusieurs "publications" avaient été faites par Mr les officiers municipaux pour "que les citoyens eussent à se retirer chacun dans sa maison après dix heures du soir et qu'aucun particulier ne donna à jouer chez lui à des jeux de reste et surtout pendant la nuit." Mathieu MARGUEIRAT officier municipal "faisant sa ronde la nuit dernière dans la ville après 10 heures du soir pour s'assurer si la tranquillité régnait partout, il a passé, plusieurs fois devant l'auberge dite La Croix de Malte, rue de la Boucherie, tenue en arrentement par Joseph FERAUD fils, la première fois il a aperçu de la lumière dans l'étage de la dite auberge, qui est au dessus du rez de chaussé et il a entendu qu'il y avait beaucoup de monde dans cet appartement, il n'a pas tardé à connaître que c'était des joueurs, puisqu'il a entendu très distinctement partir de différentes bouches, je mets tant sur cette carte". Environ demi-heure après il repasse devant l'auberge même lumières et même voix ... Il va appeler Louis BARRAS le valet de ville et se rendent ensemble à l'auberge "après onze heures sonnées, BARRAS ayant frappé à la porte de l'auberge, l'épouse du dit Joseph FERAUD a demandé de dedans qui frappait?". MARGUEIRAT et BARRAS se font connaître "l'épouse de FERAUD au lieu d'ouvrir tout de suite la porte, est montée à l'appartement où étaient les joueurs, et comme on tardait d'ouvrir la porte MARGUEIRAT a frappé une seconde fois, et après un second intervalle, on l'a enfin ouverte. Ils sont montés tout de suite où se tenait l'assemblée, et ils ont trouvé environ 18 à 20 particuliers dont les uns étaient appuyés sur la table la tête baissée, les autres couchés ou assis sur le lit, une autre partie s'est dispersée et est sortie ..." MARGUEIRAT signifie à FERAUD "qu'il était en faute de garder tant de monde chez lui, à cette heure et surtout de les laisser jouer à des jeux de reste." Il fait sortir tout le monde de l'auberge et se retire avec BARRAS. Le lendemain (4 octobre 1790), Joseph FERAUD et ceux qui étaient chez lui doivent se présenter devant les officiers municipaux et le procureur de la commune.

Joseph FERAUD avoue "que plusieurs particuliers avaient joué chez lui la nuit dernière" mais il ne veut pas payer "d'amende pécuniaire" "protestant qu'il n'avait point d'argent, que c'était la première fois qu'il lui arrivait de laisser jouer chez lui et qu'il n'avait point dans sa maison d'horloge pour savoir à qu'elle heure il pouvait congédier ceux qui y venaient."

"Les particuliers qui ont été reconnus la nuit dernière" ont "presque tous assuré franchement qu'ils avaient joué et ils ont payé chacun une amende d'une livre 4 sous ainsi modérée pour avoir avoué avec franchise qu'ils étaient en faute, à l'exception du nommé Claude REYMOND qui a dit qu'il ne donnait rien, qu'il ne jouait pas, de Jean ROUNIN qui a dit qu'il ne jouait pas, qu'il soupait, du nommé ROUBAUD dit POIL ROUGE qui a dit qu'il soupait, du nommé Antoine BEAUDUN qui a dit qu'il aimerait mieux rester dix ans en galère que de donner une livre 4 sous." Mais le procureur de la commune, reconnaît ces derniers comme également coupables "et complices du délit" et les condamne chacun à 3 livres d'amende et "Joseph FERAUD qui est le plus coupable" à une amende de 50 livres. "Toutes les dites amendes applicables à acheter du grain pour alimenter les pauvres de cette ville...".

Le cahier des délibérations Municipales où est consigné ce procès verbal, ne mentionne pas si Antoine BEAUDUN a payé finalement les 3 livres ou "est resté dix ans en galère"..

Si ces mesures, aujourd'hui nous paraissent un peu draconiennes, par contre l'argent des amendes est utilisé directement sur place à de bonnes fins.


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